Depuis le 1er janvier les Estoniens règlent leurs achats en euro. L’Estonie est le premier pays de l’ex-Union Soviétique à rejoindre la monnaie unique. En pleine crise de l'euro, Tallinn relève le défi et brave les eurosceptiques.
Située à la pointe septentrionale de l'Europe, l'Estonie est le 17e pays à rejoindre la zone euro. Avec son adhésion à l'euro, il affiche sa volonté de s'arrimer au continent européen, de repousser la Russie et d'être proche de ses voisins : la Finlande et la Suède.
Le gouvernement a veillé à répondre à tous les critères imposés par le traité de Maastricht. Rien de spectaculaire donc à cette adhésion hormis qu’elle intervient à un moment où l'Europe subit une crise de la dette sans précédent, au point de faire vaciller sa monnaie. Cependant cet épisode trouble n'entame en rien la détermination de Tallinn. Pour Benjamin Carton, économiste au CEPII, c'est l'aboutissement d'un long processus. « L’Estonie contractait déjà ses emprunts en euro, ça ne va donc rien changer, ça ne fait qu’entériner une situation voulue depuis longtemps. Il s’agit juste de terminer un processus qu’ils ont voulu mener jusqu’au bout malgré la crise ».
Le passage à l'euro est une évidence pour le gouvernement. La couronne estonienne a été arrimée au deutschemark avec un change fixe dès sa création en 1992, puis ensuite à l'euro en 1999 et ne s'en est jamais écartée. Avec la monnaie unique, Tallinn espère inspirer confiance et attirer de nouveaux investisseurs.
Des déficits soigneusement contrôlés
Avec un déficit budgétaire de 1,7% du PIB et une dette publique de 8%, ce nouveau venu dans la zone euro a de quoi faire faire des envieux. L'Estonie est aujourd’hui le pays le plus vertueux de la zone euro. Selon Philipe Crevel, économiste consultant chez Generali, le passage à la monnaie unique est une opportunité pour l’Estonie : « C’est un pays exportateur dans le domaine des nouvelles technologies, le logiciel Skype est estonien. Donc pour eux le passage à l’euro va faciliter leur intégration commerciale dans la zone économique ».
La monnaie unique inquiète
L'Estonie est un petit pays qui abrite 1,34 million d'habitants. Une partie d'entre eux ne cachent pas leur inquiétude d'abandonner la couronne. Malgré les propos rassurants du gouvernement, les sondages indiquent que 51% d'entre eux, sont rétifs à l'arrivée de l'euro. Il faut dire que le pays se relève d'une forte récession. Après son indépendance acquise en 1992, l'Estonie, rebaptisée « le tigre balte » grâce à son dynamisme économique, a été secouée par la crise financière de 2007. Sous le choc d'une bulle immobilière, son PIB a chuté de 14%. Pour redresser la barre le pays n'a pas hésité à s'infliger une cure d'austérité sévère accompagnée d'une forte baisse des salaires.
Avec l'arrivée de l'euro, les Estoniens craignent une valse des étiquettes. Mais pour Cédric Thellier, économiste et spécialiste de la zone euro chez Natixis, il ne faut pas suspecter systématiquement les commerçants, en revanche il comprend les craintes : « les craintes sont surtout liées à la perte de l’ancienne monnaie, synonyme de perte de souveraineté ».
Les autres candidats à l’euro se donnent du temps
Si les dirigeants estoniens se montrent enthousiastes, ce n'est pas franchement le cas des voisins d’Europe centrale. Inquiétés par la crise que traverse l'euro, ils ne se bousculent pas au portillon. Certains pays de l'ancien bloc soviétique considèrent même qu'ils sont plus en sécurité en dehors qu'à l'intérieur de la zone euro.
La Pologne, qui est l’un des rares pays en Europe à avoir maintenu sa croissance en 2009 n'envisage pas d'y entrer avant 2015. Les Tchèques ne prendront aucune décision avant quatre ans. La Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie devraient aussi attendre plusieurs années même si on sait qu’il est dans la logique des choses que tous les pays qui ont signé les différents accords entreront à terme dans la zone euro.
Seuls les deux autres pays Baltes, la Lituanie et la Lettonie, espèrent imiter l'Estonie en 2014. Leurs souhaits étant toujours de garantir leur autonomie économique et politique vis-à-vis de la Russie.
Source RFI