Faut-il traiter Marine Le Pen par le mépris? Jean-François Copé est convaincu que ce serait le meilleur moyen d'assurer un score à la probable candidate du FN à la présidentielle. Encore traumatisé par son échec de 1997 face à la gauche en Seine-et-Marne, à cause d'une triangulaire avec l'extrême droite, le secrétaire général de l'UMP s'est forgé dans la mésaventure une «thèse constante»: il faut «dramatiser» la progression frontiste . «J'entends dire que parler de Marine Le Pen, ce serait lui faire de la pub! Mais elle n'a pas besoin de nous», s'est-il insurgé mercredi. Selon lui, l'actualité se chargeant de fournir à l'héritière de Jean-Marie Le Pen son «pain quotidien», l'UMP doit se saisir «des questions de société qui provoquent de l'inquiétude chez nos concitoyens, l'immigration clandestine, l'échec de l'intégration et les questions religieuses», pour en faire un «pilier» de son projet, au même titre que les questions économiques.
Le bureau politique de mercredi lui a donné raison à une écrasante majorité. «Aux régionales, on a pris le parti d'ignorer Marine Le Pen, et on a eu tort!», a affirmé le secrétaire général adjoint de l'UMP Marc-Philippe Daubresse, en expliquant que «les sujets mobilisateurs, pour les électeurs qui avaient voté Sarkozy en 2007 et qui se sont abstenus en mars 2010, sont beaucoup plus l'immigration et la dérive vers l'assistanat de certaines prestations sociales que la sécurité». «Dans le Pas-de-Calais, a ajouté le député du Nord, l'UMP arrive désormais derrière le FN, parce qu'on ne s'occupe pas des préoccupations des classes populaires.» Il y a d'autant plus urgence à endiguer le phénomène que, selon le député-maire de Nice Christian Estrosi, «le FN, qui n'avait plus de structure, se reconstruit autour de Marine Le Pen». Michèle Alliot-Marie a préconisé de «mettre à jour la sociologie du FN». La ministre des Affaires étrangères estime que l'électorat lepéniste se recrute «pour un tiers à l'extrême droite traditionnelle, un tiers à l'UMP et un tiers à gauche», mais estime nécessaire d'affiner l'analyse, car «pour combattre son adversaire, il faut le connaître».
La cible définie, la majorité devra encore définir les moyens pour l'atteindre. Jean-François Copé a confié à Marc-Philippe Daubresse, à sa collègue de la Marne Catherine Vautrin et au secrétaire d'État aux Transports Thierry Mariani, élu du Vaucluse, une «mission de réflexion sur la stratégie à conduire face au FN», mais aussi face au PS, les «deux adversaires clairement identifiés de l'UMP». Le député du Nord a accepté avec enthousiasme de «réactualiser le logiciel» majoritaire pour combattre «le laxisme socialiste et l'outrance du FN». «Martine et Marine, je les connais très bien!», s'est-il exclamé à propos de ses voisines régionales. Reste que l'élaboration d'une stratégie commune s'annonce délicate. Jean-François Copé veut rouvrir «un grand débat sur l'identité nationale» à l'occasion de la présidentielle. «Si les formations politiques, au sein de la majorité ou ailleurs, souhaitent discuter de cette question, c'est sous leur responsabilité», a prévenu, mercredi, François Baroin, en marge du compte rendu du Conseil des ministres. Le porte-parole du gouvernement, pourtant proche de Copé, s'est opposé dès l'origine à l'ouverture du débat sur l'identité nationale. Daubresse est d'accord avec Baroin: il préfère «parler du pacte républicain plutôt que d'identité nationale».
Crainte de se laisser entraîner
Quelques voix se sont élevées à l'UMP pour critiquer sur le fond la stratégie du secrétaire général. «Nous n'avons pas, collectivement, à replacer le FN au cœur du débat», avait déjà estimé le secrétaire d'État au Logement Benoist Apparu, samedi, dans les couloirs du conseil national. Il est reparti à l'attaque, mercredi, en rappelant que «la force de Nicolas Sarkozy dans la campagne de 2007 avait été d'obliger les autres à se positionner autour de ses thèmes à lui».
Cette crainte de se laisser entraîner sur le terrain choisi par le FN trouve une résonance dans le discours de François Fillon devant les parlementaires de la majorité, après les déclarations de Marine Le Pen. Certes, pour le premier ministre, «l'extrême droite ne mérite pas de complaisance», mais il a aussi lancé à ses troupes: «Il n'est pas nécessaire de tomber tête baissée dans toutes les provocations, parce que c'est évidemment exactement ce qu'elle cherche!» «Ce n'est pas en niant les problèmes qu'ils cesseront d'exister», a riposté le secrétaire général adjoint de l'UMP Hervé Novelli. Qu'en pense Nicolas Sarkozy?
Source : Le Figaro