mercredi 15 décembre 2010

Comment Copé prend parti

Depuis un mois, le nouveau patron de l'UMP impose sa marque, tant sur l'organisation que sur le cap du parti majoritaire. Nouvelle casquette mais style intact.

Lorsque Jean-François Copé lui fait valider vendredi soir à l'Elysée la nouvelle campagne d'affichage de l'UMP, Nicolas Sarkozy, qui surveille tout, se serait montré très satisfait. Slogans simples («FN = outrance, PS = laxisme, UMP = fermeté»), affiches vite fabriquées et le tout pour pas cher. "Fini la com' pour magazines papier glacé faites en agences, au parti on renoue avec l'action militante traditionnelle", confirme un lieutenant du nouveau secrétaire général. Et le chef de l'Etat de mesurer sans doute, lors de cette réunion de calage du Conseil national, le changement déjà à l'oeuvre rue de La Boétie. Le retour à la bonne vieille machine RPR est assumé. Un mois après sa nomination à la tête du parti, Jean-François Copé veut faire bouger les choses, avec ses méthodes, et son appétit.


Venu pour l'instant avec seulement quelques collaborateurs pour éviter l'effet buldozer, il enchaîne les rendez-vous dans son bureau pour imaginer la nouvelle équipe dirigeante qui sera annoncée en janvier. "Jamais on a autant voulu me voir", confie-t-il, les places dans l'organigramme étant chèrement disputées. Chacun sait bien que c'est le rôle dans la task force présidentielle qui se joue maintenant. Et si au sommet Jean-François Copé a voulu faire main basse sur le parti, c'est entre autres pour se rendre indispensable au chef de l'Etat, aujourd'hui et plus encore demain.

«Une main de fer dans un gant de velours »

Lui qui méprise les problèmes d'intendance et n'aime guère enchaîner les déplacements va maintenant devoir se coltiner l'animation du parti. « Ne vous y trompez pas, il va faire le job car il sait que c'est un passage utile", assure un de ses fidèles. Il y a trois ans, les députés c'était pas son truc. Et bien au groupe, chacun a pu voir le résultat final ». La semaine dernière, bravant les intempéries, le nouveau patron de l'UMP a fait l'aller-retour à Beaune pour aller prêcher la bonne parole devant quelques 500 militants. "Union sacrée", "levée en masses", "ouvrir les portes et les fenêtres du parti", les formules du discours sont rodées, il va être martelé partout en France. Distant et facilement cassant, l'homme va ce soir-là tomber la veste et pratiquer un peu l'humour, pas inutile pour modifier son image. "Se frotter aux parlementaires lui a appris le collectif, se frotter aux militants doit lui apprendre à aimer les gens", lâche un responsable de la majorité qui admire le parcours de "l'homme pressé"*.

Aidé par de jeunes collaborateurs pros et dispos, Jean-François Copé veut appliquer à l'UMP le « management participatif » qui a fait son succès à la tête du groupe parlementaire, une « main de fer dans un gant de velours », selon l'expression d'un connaisseur de la machine Copé. Pas de chasse aux sorcières annoncée au siège du parti, mais lorsqu'un secteur ne marche pas, il est « entièrement revu », selon les mots du nouveau patron. Ainsi en sera-t-il de la branche internet dont la stratégie fort coûteuse s'est soldée par un échec.

"Pas de tabous"

Samedi, lors du Conseil national porte de Versailles, le minimalisme décoratif annoncé a tenu ses promesses. « Les moyens doivent être exclusivement consacrés à la campagne présidentielle », a rappelé le secrétaire général du parti qui s'est empressé de faire disparaître « Mouvement populaire » du logo UMP, un ajout de l'époque Bertrand. Assumant sans nul doute l'atmosphère austère et « vieux RPR », le maire de Meaux a voulu toutefois donner la parole aux militants pour un jeu de questions-réponses avant l'après-midi de délivrer son message du jour : la droite est « en danger du point de vue électoral ». La menace ? C'est celle du Front national lorsque, selon lui, « la droite n'honore pas certains rendez-vous par rapport aux valeurs », notamment autour des thèmes de sécurité, d'identité et d'immigration.

Battu aux législatives de 1997 lors d'une triangulaire avec le FN et lors des régionales de 2004 en Ile-de-France, Jean-François Copé a dans son parcours personnel un adversaire historique en la personne de Marine Le Pen. Et il veut la combattre « sans tabous ». Au risque de courir derrière les députés de la Droite populaire qui viennent de proposer, entre autres, une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour les « criminels de nationalité étrangère ». « Ce n'est pas une question de droitisation mais les Français ne comprennent plus un certain nombre de situations », affirme un membre de l'équipe UMP. Cette stratégie de vigilance à l'égard d'une poussée de l'extrême-droite a été validée par l'Elysée qui a pourtant vu toute « la séquence discours de Grenoble » se solder par un échec dans l'opinion. « Elle a été gâchée par les pieds-nickelés de la sarkozie, explique un parlementaire chevronné. Cela ne doit pas nous empêcher d'écouter notre électorat et d'agir en finesse ». Ni de s'attaquer aux causes sociales du malaise français.

A côté du « retour aux fondamentaux » de la droite, pas un discours du nouveau patron de l'UMP omet depuis quelques semaines le rôle des clubs et cercles de réflexion proches du parti. Jean-François Copé a une obsession : toujours être en avance d'une idée, comme le fut Nicolas Sarkozy de 2005 à 2007. Sur le modèle du débat sur le voile intégral, il veut être celui qui donnera à la majorité ses munitions intellectuelles. Et cette stratégie sur le fond lui sert doublement : montrer au peuple de droite qui est le meilleur carburant idéologique de son camp et commencer à incarner aux yeux de tous les Français autre chose qu'une ambition redoutablement organisée. Qu'incarne Jean-François Copé dans l'opinion ? Le secrétaire général de l'UMP sait qu'il doit commencer à travailler à cette question d'avenir, pour lui. La mise en valeur des clubs permet aussi d'éviter l'émiettement du parti en courants, honnis par Nicolas Sarkozy.

« Union sacrée » ?

Au clair sur sa vision du parti comme sur le cap idéologique qu'il veut donner à sa famille politique, le « bébé Chirac » affirme également depuis son changement de casquette qu'il « veut rassembler ». Si la droite est bousculée par le Front national, elle ne peut se permettre en 2012 une dispersion des voix au 1er tour. Et l'amitié qui unit Jean-François Copé à Jean-Louis Borloo depuis son passage au ministère de la Ville ne sera pas de trop pour calmer les vélléités fugueuses du centre-droit. Proclamée priorité absolue, « l'union sacrée » semble toutefois un combat de chaque instant. Il n'y a pas de rassemblement, il n'y a que des preuves de rassemblement, clament certains. La bataille pour sa succession à la tête du groupe UMP a montré la couleur : la dynamique Copé ne fait pas de cadeau, même aux gentils alliés. « Jean-François avait là une occasion de montrer un signal d'unité. Il a commis une erreur stratégique », confiait le radical Jean Leonetti au lendemain de sa défaite contre le copéiste Christian Jacob.

Mais en bon praticien des fauves politiques, il ne se faisait guère d'illusions. Car le maire de Meaux peine à freiner son talent pour la conquête, au risque de trébucher sur des fautes de style. Ainsi se laisse-t-il surprendre par les caméras en train de faire son courrier alors que le Premier ministre délivre un discours d'importance. Ainsi annexe-t-il sans vergogne une grande salle de l'Assemblée pour tenir ses points-presse de dirigeant de parti. Mais qu'importe les bugs puisque l'homme est réactif, dans les deux cas les excuses ne traîneront pas. Sauf pour Xavier Bertrand dont le bilan fut mis en pièces dès la première rencontre de Jean-François Copé avec la presse. Mauvais point pour un rassembleur. « Cela ne s'est pas reproduit samedi », fait remarquer son entourage, conscient de la contradiction d'images. Quant à la rivalité de leadership avec François Fillon, les amis de Jean-François Copé font mine de l'ignorer. Ils misent sur l'esprit de conquête de leur champion, là ou le Premier ministre ne serait que dans la gestion d'un style « Père la rigueur », à l'instar d'un Raymond Barre ou d'un Antoine Pinay.

Comme en son temps le chiraquisme ou le sarkozysme, le copéisme est en construction, assumant sans gêne aucune ses grands écarts. Rouvrir « sans tabous » le débat sur l'identité nationale lors de la présidentielle se conjugue, chez Jean-François Copé, avec une pédagogie permanente sur l'ouverture au monde. Et si le Copé globe-trotter est préféré par les commentateurs au chef d'une UMP droitisée, lui s'en moque. La prise d'un parti impose, il est vrai, d'abord de rassurer la famille, le temps du rassemblement des Français venant ultérieurement. Peu avant 2012, et ensuite...

Source TF1 NEWS.
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