LE FIGARO. - Partagez-vous les craintes que certains nourrissent à droite sur 2012 ?
Rachida DATI. - Nous somme encore loin de la présidentielle. En attendant, Nicolas Sarkozy doit rassembler tous les Français, en particulier dans une période où la crise a laissé des traces et suscité beaucoup d'angoisses et de craintes. Il doit poursuivre les réformes annoncées. Cette année doit être utile et non polluée par les polémiques ou des divisions artificielles.
N'est-ce pas le cas en ce moment ?
Le président a fait cette semaine un discours très important sur la dépendance qui a été éclipsé par des polémiques stériles. Il est nécessaire d'expliquer davantage l'utilité des réformes.
Les débats lancés à l'UMP perturbent-ils le travail du gouvernement ?
L'UMP est dans son rôle et Jean-François Copé a raison de lancer des débats essentiels concernant l'avenir de notre pays. La question de la place du travail dans la société ou celle du financement de la protection sociale sont importantes pour la compétitivité de notre pays et l'amélioration des conditions de travail.
Et sur la TVA sociale et les 35 heures ?
Le financement de la protection sociale ne peut plus reposer quasi exclusivement sur le travail. Cette TVA antidélocalisation permettrait de taxer aussi les importations et de diminuer le coût du travail. Concernant les 35 heures, elles ont pénalisé le pouvoir d'achat par la stagnation des salaires, la compétitivité par la hausse des coûts de production et nos finances publiques par le coût de compensation de 12 milliards d'euros annuels.
Quels doivent être les thèmes de la campagne de 2012 ?
Tout en continuant à favoriser l'emploi des jeunes, l'éducation et la formation seront au cœur des débats. Le vrai maillon faible de notre école n'est pas le collège, comme on le dit souvent, mais l'école primaire. Est-il normal qu'à la fin du CM2 15 % à 20 % des élèves ne sachent pas lire du tout et que 40 % aient des acquis trop fragiles ? Ces enfants «illettrés» en fin de CM2, on les retrouve à l'autre bout de la chaîne : plus de 20 % de jeunes sortent chaque année sans qualification du système scolaire. L'orientation des élèves est aussi un sujet majeur. Nous pourrions la rétablir en fin de 5e en valorisant les filières professionnelles.
Le PS vous paraît-il en mesure de gagner en 2012 ?
Le PS n'a aujourd'hui ni identité ni idées. Les socialistes sont déconnectés des réalités. Alors que les Français demandent plus de fermeté à l'encontre des multirécidivistes, les socialistes votent contre les peines planchers. Alors que les Français ne comprennent pas pourquoi les délinquants sexuels qui refusent de se soigner bénéficient de remise de peine ou de libération conditionnelle, les socialistes votent contre la loi qui, depuis 2008, leur interdit ces aménagements de peine. Alors que les Français se battent pour sauvegarder nos valeurs républicaines, telle que l'égalité hommes-femmes, la majorité des socialistes ont fait preuve de lâcheté en ne prenant pas part au vote de la loi interdisant la burqa. Leur seule contribution au débat, c'est l'indignation. Mais l'indignation ne fait pas une politique !
Croyez-vous au retour de Dominique Strauss-Kahn ?
Le Parti socialiste croit en l'homme providentiel pour la présidentielle, alors qu'il n'était pas aux côtés des Français pendant ces années de crise. Fera-t-il campagne avec des notes techniques faites par des socialistes qui n'ont aucune proposition ? J'aime trop mon pays et j'ai trop de respect pour les Français pour admettre que la France devienne un moyen de réconcilier les candidats déçus aux primaires socialistes.
Quel est votre jugement sur la fronde des magistrats ?
Il est normal que le président de la République s'interroge au nom de tous les Français, lorsqu'il y a une tragédie humaine, sur les circonstances de la détention, de la remise en liberté et de l'éventuel suivi d'un multirécidiviste. L'enquête démontrera s'il y a eu un dysfonctionnement, s'il y a un manque de moyens ou s'il y a un vide juridique.
Que pensez-vous des annonces faites jeudi par Nicolas Sarkozy sur les jurés populaires et l'abaissement de la majorité pénale ?
S'agissant de la délinquance des mineurs, avant de quitter le ministère de la Justice, j'ai rédigé un nouveau Code de justice pénale des mineurs abrogeant l'ordonnance de 1945. Ce nouveau Code est totalement adapté à la délinquance et à la personnalité des mineurs d'aujourd'hui. Il comprend notamment la fixation d'un âge de minorité pénale à 13 ans, permet une réponse pénale graduée, rapide, et simplifie l'exécution des peines prononcées pour en garantir l'effectivité. Ce texte pourrait être transmis au Parlement. Pour les jurés populaires, je ne connais pas précisément le contenu de la proposition. Pour l'instant, je suis réservée sur cette question.
Serez-vous candidate aux législatives à Paris en 2012 ?
Oui. J'en ai même parlé directement avec le président de la République.
Source: www.lefigaro.fr